De la parole à l'action
Si, en EPS, la réponse motrice semble
privilégiée par rapport à la réponse verbale et si l'action renvoie
généralement au mouvement et non à la parole, nous constatons qu'au cours de la
leçon, l'élève est placé à la fois en activité motrice, en situation d'écoute
et de réception d'informations. Cette variété de comportements implique
l'utilisation d'outils didactiques différents, et la verbalisation écrite mais
aussi orale est un instrument pédagogique présent dans l'enseignement de la
discipline.
La transmission et l'organisation des savoirs passent par l'écoute, la compréhension, l'analyse et la communication. Les mots utilisés et leurs significations fournissent les informations nécessaires à la réalisation de l'activité motrice.
Dans cette approche, la parole tient-elle une place particulière ? Comment peut-elle aider à agir et favoriser les apprentissages?
La transmission et l'organisation des savoirs passent par l'écoute, la compréhension, l'analyse et la communication. Les mots utilisés et leurs significations fournissent les informations nécessaires à la réalisation de l'activité motrice.
Dans cette approche, la parole tient-elle une place particulière ? Comment peut-elle aider à agir et favoriser les apprentissages?
Dans les années quatre-vingt, Daniel
Zimmermann disait : " l'éducation physique et sportive est
l'illustration parfaite d'une discipline à dominante non-verbale, mais le
non-verbal n'exclut pas le verbal ".
Pour une discipline qui n'a pas comme
finalité primordiale l'apprentissage et la maîtrise de la langue française,
l'enseignement de l'EPS ne peut cependant pas se passer des verbalisations
orale et écrite pour organiser, conduire et favoriser les apprentissages.
Les textes officiels (BOEN n° 29 du 18
juillet 1996) disent : " les apprentissages mènent, en EPS, à
l'acquisition de compétences générales qui ont pour fonction l'identification
et l'appréciation des conditions et des déterminants de l'action ".
Le décret du 11 juillet 2006 relatif au
socle commun des connaissances et des compétences précise :
" faire accéder tous les élèves à la maîtrise de la langue française,
à une expression précise et claire à l'oral comme à l'écrit, relève de
l'enseignement du français mais aussi de toutes les disciplines ".
Se poser la question du pouvoir de la
parole sur le déclenchement de l'action et sur l'aide aux apprentissages, c'est
d'abord s'interroger sur les effets qu'elle est susceptible de provoquer. Il
convient donc de se demander qui parle à qui, quel type de message faire
passer, à quel moment, et comment la parole est entendue et comprise par celui
qui la reçoit.
La parole pour " aider à agir " et " favoriser les apprentissages "
Dans ce propos, le mot " agir "
sous-entend activité, action, réalisation, capacité à faire, pratique motrice.
Par " aider à agir ", nous entendons ici : trouver les
facteurs qui vont déclencher la mise en action de l'élève et son entrée dans
l'activité.
Le terme " apprentissage " renvoie
aux notions d'initiation, d'acquisition et de modification du comportement. Le
métier d'enseignant est de permettre à l'élève d'apprendre, en mettant en
oeuvre les conditions et les moyens de transmettre et d'organiser les savoirs.
La parole est-elle un vecteur permettant de " favoriser les
apprentissages " ?
Parmi les différents pouvoirs de la parole, le pouvoir
affectif et le pouvoir de transmission semblent jouer un rôle déterminant dans
la mise en action et dans l'organisation des apprentissages. La parole et
l'action sont généralement successives ; mais, selon le rôle que nous lui
accordons et les différentes étapes, la parole se situera avant, pendant ou
après l'action.
Le pouvoir affectif et émotionnel de la parole pour " aider à agir "
" Ce que je cherche dans la parole, c'est la
réponse de l'autre. "
Jacques Lacan
À travers deux exemples, nous allons évoquer l'influence
de la parole sur la réponse de l'autre, et le rôle des mots pour inciter
l'élève à rentrer dans l'action et à s'engager dans l'activité.
Selon le contexte culturel et local, la découverte
d'activités nouvelles n'est pas forcément évidente pour tous les élèves. La
parole de l'enseignant prend alors un pouvoir déterminant pour faire accepter
ces nouvelles pratiques. La pertinence des mots utilisés va lui
permettre :
·
d'argumenter
ses choix, en liaison avec le public concerné ;
·
de
motiver, de donner l'envie de faire et le plaisir d'apprendre ;
·
de
cultiver une attitude de curiosité.
Ce pouvoir affectif et émotionnel de la parole joue
également un rôle essentiel face aux situations de blocage de l'élève,
notamment dans les activités à risques ou dans les activités avec perte des
repères habituels, telles que la natation, l'escalade ou la gymnastique.
L'enseignant utilise alors un discours intuitif pour créer un climat
relationnel de confiance et de sécurité ; ses interventions sont
nécessaires avant et pendant l'action, sans pour autant la retarder. Les mots
choisis ont alors pour but de :
·
déclencher
l'action par l'efficacité d'une consigne stimulante ;
·
d'encourager
à franchir les obstacles, à vaincre la peur, à maîtriser les angoisses ;
·
de
sécuriser, de rassurer en donnant des nouveaux repères et des règles
significatives.
Cependant, ce pouvoir affectif de la parole n'est pas
uniquement dévolu à l'adulte. Les interactions verbales maître - élèves et
entre élèves sont nécessaires pour tenter d'éliminer les blocages. Il s'agit
alors, pour l'enseignant, d'apprendre à l'élève à utiliser la parole pour
exprimer ses émotions, et chacun, avec ses mots, va évoquer des images, des
sensations et des impressions susceptibles d'apporter l'aide nécessaire à
l'action de l'autre. L'importance du rôle de l'assureur en escalade et du
langage utilisé pour rassurer et aider à construire de nouveaux repères
illustre tout à fait ce pouvoir de la parole. Toute dynamique de groupe pour
aider à agir passe par l'utilisation et l'exploitation de la parole.
Le pouvoir de transmission, d'analyse et d'échange par la parole pour " favoriser les apprentissages "
La parole, pouvoir de transmission
" La parole est moitié à celui qui parle,
moitié à celui qui écoute. "
Montaigne
Toute transmission met en jeu un émetteur et un
récepteur : qu'il soit l'enseignant ou l'enseigné, et, si on considère que
celui qui parle a quelque chose à dire, alors il doit être écouté et compris.
Pour cela, il semble indispensable que les mots soient connus des interlocuteurs
et de l'orateur. Alors se pose la question du sens et de la signification des
mots. Les mots de l'enseignant sont-ils les mêmes que ceux de l'élève ?
L'enseignement de l'EPS, comme toute autre discipline, passe par
l'apprentissage d'un vocabulaire spécifique et d'un langage significatif, qui
prend toute sa dimension éducative s'il est réutilisable dans différents
contextes.
Généralement, la leçon d'éducation physique débute par
une prise de parole de l'enseignant pour énoncer les objectifs, déterminer les
contenus, préciser ce qu'il y a à apprendre et à réaliser, rappeler les
consignes. Toutes ces informations et ces explications sont pour lui des
vecteurs nécessaires et indispensables aux apprentissages. Cette phase de
verbalisation orale, parfois doublée par des écrits au tableau, précède
l'action et a pour but d'organiser les apprentissages. L'élève se situe alors
dans une situation d'écoute active d'informations diverses. Il fixe son
attention sur le message transmis, qui le renseigne sur :
·
le
but à atteindre,
·
les
modalités de l'action,
·
l'organisation
des dispositifs,
·
les
consignes et les règles à appliquer,
·
les
problèmes à résoudre.
En " bon pédagogue ", l'enseignant
souhaite placer les élèves dans les meilleures conditions d'apprentissage en leur
fournissant les explications, les informations et les précisions nécessaires à
la réussite de tous. La parole occupe alors une place et un rôle déterminants
dans l'acte pédagogique et dans la transmission des savoirs. Mais c'est en
procédant à un questionnement des élèves que nous avons tous eu l'occasion de
constater l'existence d'une importante déperdition entre notre discours et
leurs réponses. S'assurer de la pertinence du message, limiter le temps de
parole, aller à l'essentiel, intervenir au bon moment, sont des critères à
prendre en compte pour rendre efficace cette phase de verbalisation.
Pour que le pouvoir de transmission prenne toute sa
dimension, il apparaît donc essentiel de donner la parole aux élèves. La
re-formulation et la capacité à répondre aux questions ont un double
rôle : elles vont, d'une part, permettre à l'enseignant de s'assurer de ce
qui a été compris, et, d'autre part, permettre à l'élève de mieux cerner les
savoirs à apprendre et ce qu'on attend de lui.
Alors, on peut dire que la parole des uns et des
autres aide à vérifier qu'il n'y a pas de décalage entre le niveau des
intentions verbalisées et celui de la mise en oeuvre sur le terrain, et qu'elle
favorise les apprentissages.
La parole, pouvoir d'analyse et d'échange
La parole, pouvoir d'analyse et d'échange, trouve sa
place pendant et après l'action. Les interactions verbales sont des outils
favorisant les apprentissages car elles permettent à l'élève :
·
de
décoder, d'identifier, de classer, de hiérarchiser ;
·
de
comprendre ;
·
de
critiquer, de juger ;
·
d'énoncer
ses points forts et faibles pour ensuite ajuster son comportement ;
·
d'analyser
sa pratique et communiquer sur elle dans le but d'acquérir des connaissances et
des attitudes que l'on peut caractériser d'intellectuelles.
Précisément, pour pouvoir échanger et communiquer,
l'élève va devoir acquérir et maîtriser un langage juste et précis. Avec une
utilisation pertinente et appropriée du vocabulaire, il parviendra à prendre
part à un dialogue, à rendre compte d'un travail, à désigner et à débattre des
stratégies et des opérations utilisées.
C'est donc parce que la parole est indispensable à
l'acquisition de ces capacités, énoncées dans le texte sur le socle commun des
connaissances et des compétences, que nous pouvons dire qu'elle favorise les
apprentissages et a sa place dans l'enseignement de l'EPS.
Conclusion
La parole en EPS est un véritable outil au service des
apprentissages, elle contribue au parler, lire et écrire. Si le comportement
verbal de l'enseignant est facilement observable, il semble cependant plus
difficile de vérifier ce que l'élève a appris par la parole, car l'évaluation
de cette compétence n'est pas systématiquement intégrée dans les processus
d'évaluation en EPS.
Françoise
Delaporte
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